jeudi 1 mars 2012

Joie méchante

C'est ce que Limanov lui-même a exprimé après l'attribution du prix Renaudot à Emmanuel Carrère : "une joie méchante". On peut comprendre ce sentiment contrasté de Limonov. Héros de livre, lui qui rêvait d'un destin de héraut national-bolchévique. Il y a de quoi l'avoir mauvaise. Les bien-pensants occidentaux récompensant un Carrère qui va se faire du beurre sur le dos d'un révolutionnaire.
Mais, au-delà de ça, dans cet hiver en fin de règne, il me faut saluer une vraie joie de lecture. Carrère donne, dans son bouquin, du lustre à un personnage obscur, sulfureux, antipathique mais captivant. Cette vie sous toutes les coutures de Limonov, idole underground comme exhibée en plein air, laisse la crasse, le sang, le sexe, la poésie, la puanteur, la vodka... se mêler à l'histoire de la Russie post Brejnévienne jusqu'à Poutine. La journaliste Anna Politkovskaïa ouvre le sinistre bal de cette perdition. La boue malsaine et grise est bien le fil rouge (sic) de l'Histoire de la Russie, d'un roman baigné dans le réel. La fascination reste ainsi intacte au fil des pages et Carrère réussit avec l'Est ce qu'Ellroy, dans une certaine mesure, a raconté de l'Ouest. La morale n'est pas plus sauve. Mais, sans doute, "est-ce plus compliqué que cela", diraient auteur et protagoniste dans un même élan.

2 commentaires:

parisienne en vacances a dit…

Un auteur qui, en effet, sait si bien raconter d'autres vies que la sienne. En ce temps de "vacance", pour ceux de passage à Paris qui goûtent les subtilités de notre langue: "Déshabillez mots" à ne pas manquer au studio des Champs Elysées.

JC Perrin a dit…

Parisiens, parisiennes... Bienheureux. C'est noté m'dame.

Pour les provinciaux, oui Bil, il reste la lecture près du poêle. Et Carrère est un bon moment à passer.